Golnaz Payani (franco-iranienne), présente des œuvres textiles inédites, qu’elle fait dialoguer avec l’histoire de deux femmes aux destins remarquables et dont le centre de gravité est l’Asie : Alexandra David-Neel, exploratrice et conférencière qui a sillonné l’Asie et le Tibet en marchant, et Krishnā Riboud, collectionneuse franco-indienne qui a réuni un fonds exceptionnel d’étoffes orientales, dont certaines sont prêtées par le Musée national des arts asiatiques – Guimet de Paris.
«Quiconque revient de courir le monde est à son retour ce qu’il sera toute sa vie.»
Jean-Jacques Rousseau
Golnaz Payani, née à Téhéran en 1986, est une artiste iranienne, exilée en France à l’âge de 23 ans. De son pays d’origine, elle emporte avec elle une affinité pour les tissus, associés à la conception de jouets pendant son enfance et, plus tard, aux réalités d’un régime imposant le voile comme fondement de sa légitimité. L’invitation au musée de la Maison David-Neel est l’occasion pour la plasticienne, de travailler son sujet de prédilection : la trace, entre présence et disparition, principalement narrée à travers des œuvres en textiles. L’artiste explore aussi la question du voyage. Les notions de corps, de temps et d’itinéraires y sont abordées dans un cadre qui relate son existence personnelle et se déploie à travers un répertoire d’expériences auxquelles chacun est à même de s’identifier.
Pour cette exposition, Payani esquisse des parallèles entre deux femmes dont les vies se chevauchent sans se toucher mais dont le centre de gravité est une passion pour l’Asie : Alexandra David-Neel (1868 – 1969), écrivaine exploratrice et féministe, première occidentale à entrer à Lhassa en 1924 ; Krishna Riboud (1926-2000) collectionneuse franco-indienne dont l’œuvre fut de réunir près de 4000 étoffes venant d’Orient, transmises au Musée national des arts asiatiques- Guimet. Trois d’entre elles, des pièces rares ou archéologiques, sont exceptionnellement prêtées par l’institution et enrichissent la réflexion proposée par l’artiste sur le textile comme œuvre d’art, révélateur de messages et d’identités. Pour l’artiste exilée, le voyage explore un paysage, réel ou fictif, dont la durée excède celle de l’itinéraire lui-même. Dans l’exposition « Le long des sentiers entrelacés », Golnaz aborde trois façons de voyager. Celle d’Alexandra, faite de marches et de rencontres, dont l’expérience sensorielle fait émerger des trajectoires et des récits littéraires. Celle de Krishna, dont le périple, scientifique autant qu’imaginaire, s’effectue avant tout par sources documentées et tissus interposés. Son travail de mémoire sur les techniques des peuples d’Asie est devenu une référence au niveau mondial. À sa manière, l’artiste franco-iranienne voyage aussi, dans l’espace de son atelier. Elle explore les limites de la matière textile en détissant des fils, comme à rebours du temps, pour rendre hommage à ces femmes libres et synonymes de mouvement. En mêlant son récit à d’autres, Golnaz Payani ouvre un roman optimiste et généreux, dont les trames, jamais figées, transcendent époques, pays et vécus individuels.
Design : antichambre / Image : Golnaz Payani, Entre le songe et la mémoire, 2023-2024